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CAHIER[1]

PHOTOGRAPHIE - VIDÉO - TEXTE

Françoise Beauguion

Trois hommes marchent le long de la route près de la frontière italienne.

Toi Qui Sais - Anouar Brahim
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Envie de publier l'image de la combattante kurde assise à l'arrière du véhicule tout-terrain, l'arme au poing et le regard confiant. Elle en contre-jour et au loin, les beaux paysages du nord de l'Irak. Comme un besoin de montrer force et courage et de se battre et de s'exprimer ; de se libérer de la colère accumulée de ces dernières années. Contre vous. Vous tous. Je me dis que ce n'est rien, que le sentiment va s'atténuer avec le temps mais on entend tous les matins le nombre des personnes tuées dans la nuit, on lit les portraits des tueurs, on voit les images des tueries. Comme une envie de tuer à son tour ou de tout éteindre. Et ne plus se soucier de rien.

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On lui dit que c'est une histoire littéraire, une fabulation.

elle se souvient d'un livre d'Annie Ernaux – de la chambre de son enfance – d'une réplique du film Hiroshima mon Amour : "Quatre fois au musée à Hi-ro-shi-ma" – d'une autre réplique : "Il faut éviter de penser à ces difficultés que présente le monde quelques fois. Sans ça, il deviendrait tout à fait irrespirable." – d'un lever de soleil sur la Mer Morte – du rire de sa grand-mère – d'une citation de l'Amant : "Très vite dans ma vie il a été trop tard." – d'une autre citation : "Aujourd'hui je lui dis que c'est un bien-être cette tristesse." – de la traversée d'un pont au-dessus du canal de Suez – d'un réveil aux côtés d'une combattante du PKK – d'un premier regard – des tunnels vers Gaza – elle se souvient moins bien des autres moments – des autres regards – de certains premiers baisers – des choses pourtant si importantes ces instants-là – des sentiments qui disparaissent – des images perdues

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Le pays s'était militarisé. Des hommes armés patrouillaient dans les rues de Paris, en Province, dans les stations balnéaires. On les voyait déambuler jusqu'à la rue du Château à Auray ; ils entraient et sortaient des cafés du 11e arrondissement, prenaient des pauses déjeuner, patientaient – bien que lourdement armés – dans la file d'attente de la boulangerie. Ils étaient là, tous les jours, avec nous. Dans le bus, un militaire s'était assis à côté de moi, son arme pointé contre ma cuisse. Le froid du métal m'avait surprise. À la plage, bikini – lunettes de soleil – M16. La jeunesse de Tel Aviv : belle et tourmentée. J'étais mal à l'aise de boire des bières entourée d'adolescents armés. On nous interrogeait pour détecter le moindre mensonge – tremblement de voix – signe qui indiquerait une possible menace terroriste. On nous contrôlait à chaque entrée de supermarché, de boutique et de centre commercial. On se pensait légitime d'opprimer en période de crise. Ils nous attaquaient et on se défendait. On vengeait nos morts. Il parlait d'ouvrir un camp pour enfermer les suspects. Selon la Syrie, la France aurait tué 164 civils dans un raid aérien en représailles à l'attaque de Nice. Mais on ne sait pas trop.

Monastir al Bab - Emel Mathlouthi
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"En général, je trouve que toutes les images, ou presque, gênent le texte. Elles empêchent le texte d'être entendu. Et ce que je veux, c'est quelque chose qui laisse passer le texte."

MD

India Song - Carlos d'Alessio
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